« À défaut d’une vraie démocratie, les combats sont légitimes »
Lors de la première conférence internationale sur le Darfour qui s’est déroulée à Lyon lundi dernier, la situation des rebelles tchadiens de l’UFR/UFDD (Union des Forces pour la Démocratie et le Développement) a, dès le début, créée des tensions et leur présence a été soumise au vote des participants. Dans la phase de discussions précédant ce vote, la République Centrafricaine n’a pas hésité à les qualifier d’« ordre terroriste ». Les États les ont finalement acceptés. Rencontre.
LeMonde.fr : Vous qualifiez-vous de « terroristes » (terme employé par la République Centrafricaine à votre encontre) ?UFR/UFDD : Nous trouvons ces propos inadmissibles et scandaleux. Nous ne nous situons pas dans une lignée terroriste, nous sommes contre ces combats et leur escalade. Notre mouvement trouve ses origines dans la contestation politique face au gouvernement tchadien. C’est une révolte dirigée en faveur de la démocratie. En dernier recours et uniquement pour elle, nous avons été contraint de prendre les armes afin d’installer des conditions favorables à son développement.
Pendant les discussions sur votre participation à la conférence, les États-Unis vous ont demandé de quitter la salle. Comprenez-vous cette réaction ?La prise de position des États-Unis a été mal comprise du fait d'un manque de tact et de diplomatie certain. Ils n’étaient pas pour notre exclusion définitive, mais ils voulaient respecter la procédure. Ainsi, notre présence devait intervenir suite au vote et pas avant comme cela s’est déroulé. Depuis, nous avons pu nous expliquer de façon cordiale avec eux.
« Nous voulons un règlement africain du conflit dans les terres africaines et sous l’égide de l’Union Africaine. »
Que pensez-vous de la position du gouvernement tchadien à votre égard ?Ce gouvernement ne peut continuer à nous qualifier, lui aussi, de « terroristes ». Les observateurs internationaux ont eux-mêmes reconnu que, lors des trois dernières élections, les votes ont été irréguliers. À défaut d’une vraie démocratie, les combats sont donc légitimes.
Le Tchad a une position très ambigüe : il se dit souverain sur son territoire mais il est prêt à accepter l’intervention des casques bleus sur notre sol. Il faut donc se libérer des régimes occidentaux dont l’influence se poursuit depuis la colonisation. C’est grâce aux capitaux et à la formation militaire française que le gouvernement se maintient. Et nous n’en voulons plus ! Nous sommes un mouvement issu du peuple tchadien, non des mercenaires ; notre objectif est un gouvernement du peuple par le peuple et nous ne reculerons devant rien pour l’obtenir.
L'intervention des casques bleus est-elle la solution pour résoudre la crise ?Non ! Au Soudan, en 2009, l’envoi de casques bleus n’a rien résolu mais a exacerbé le ressentiment des populations à leur égard. Ce que nous voulons, c'est un règlement africain dans les terres africaines sous l’égide de l’Union Africaine.
« Le gouvernement illégitime tchadien doit être remplacé par un gouvernement égalitaire. »
Quelles concessions êtes-vous prêts à faire ?Nous nous sommes engagés avec l’ANR à ne pas s’attaquer aux ONG et à ne pas entraver l’action humanitaire. Nous leur avons même proposé une protection sous l’égide de l’Union Africaine.
Justement, quels sont vos liens avec l’ANR ?Nos revendications sont liées. Nous agissons de façon concertée en profitant de la dualité de groupe pour davantage de force et de poids.
Comment réagissez-vous face à l’arrestation, en début de semaine, de quatre de vos anciens responsables ?
Nous sommes solidaires avec eux. C’est pourquoi nous demandons qu’une amnistie leur soit accordée comme ce fut déjà le cas avec d’autres rebelles qui se sont retrouvés dans une situation similaire. Nous demandons aussi le retrait de ce genre de mandat qui vise des Tchadiens de retour sur leur territoire natal. Cette arrestation constitue une nouvelle forme d’oppression du gouvernement et traduit son hostilité à l’encontre des dissidents. Ce gouvernement illégitime doit être remplacé par un gouvernement égalitaire que nous appelons de tous nos vœux.
Propos recueillis par
Coralie Grappe et Marc Forterre
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