Le règlement de la crise du Darfour : Quand l'arithmétique se mêle au du jeu diplomatique
De nos envoyés spéciaux à Lyon
Malgré la réunion de la conférence internationale pour la résolution de la crise du Darfour à Lyon, en France, la diplomatie contemporaine n’est plus le lit de la gastronomie française. Plus encore, voilà que la populaire recette des mérites de la démocratie nous est désormais servie par le plus improbable de ses promoteurs : la Chine.
La conférence de Lyon a été, lundi, le lieu d’une lutte diplomatique sans merci, qui n’aura eu pour vitrine que les fades sourires d’acteurs inquiets mais soucieux d’assurer à l’opinion publique internationale qu’ils contrôlent la complexe crise du Darfour.
Tout avait pourtant commencer sous les meilleurs hospices. Le Président français M. Sarkozy avait accueilli en personne le Président de la République populaire de Chine, lequel est chargé d’un discuté rôle de médiateur, dans le cadre de la gestion de la crise Tchado-Soudanaise, au sein d’une assemblée d’Etats déterminés à s’entendre pour un règlement pacifique du conflit.
Nicolas Sarkozy et Hu Jintao lors de la conférence de Lyon |
« L’Afrique est entré dans l’histoire » a proclamé le président Hu Jintao, dans son discours d’ouverture. Là où certain voit la volonté des diplomates chinois de donner à l’Afrique une voix sur la scène internationale, d’autre y verront la volonté de souligner le passage de l’Afrique de l’histoire française à l’histoire Chinoise. Si la décadence de l’influence française dans la région n’est plus à discuter, l’Occident n’entend pas se voir évincé des négociations. Les négociants américains ont rapidement mis à mal le charismatique médiateur chinois en évoquant la question de l’ANR, groupe rebelle, présent lors des négociations, alors même que le 1er point de l’ordre du jour portait au débat l’acceptation ou non par les Etats de leur qualité de participant. La Chine s’est rapidement embourbée dans le flou des règles procédurales qui sous-tendent la conférence. Plus qu’un désir de brouillage gratuit et de crispation des débats, l’intervention américaine a raisonné dans l’amphithéâtre comme un avertissement lancé à la Chine. Les Etats-Unis n’entendent pas s’effacer. Le rôle de la Chine est crucial, aucun faux pas ne leur sera accordé. Les discussions grippées, c’est à cette occasion que le Président chinois a glorieusement rappelé : «
Nous sommes en démocratie ». Certes, la conférence de Lyon se tient selon un principe démocratique de vote, chaque Etat disposant, à égalité des autres, d’une voix ; mais ces mots viennent se heurter aux barreaux de la cellule d’un certain Liu Xiaobo et, se répercutant le long du tissu autoritaire du régime chinois, viennent tristement mettre en lumière la dure réalité de la plus grande dictature du monde
Nous sommes en démocratie ». Certes, la conférence de Lyon se tient selon un principe démocratique de vote, chaque Etat disposant, à égalité des autres, d’une voix ; mais ces mots viennent se heurter aux barreaux de la cellule d’un certain Liu Xiaobo et, se répercutant le long du tissu autoritaire du régime chinois, viennent tristement mettre en lumière la dure réalité de la plus grande dictature du monde
Les tensions apaisées, l’ANR se voit réintégrée à la conférence. Les temps de parole s’enchainent au détriment de certains. L’Union européenne, fidèle à sa réputation n’a eu de cesse de vouloir s’exprimer. Les médiateurs chinois, dans un élan de bons sentiments ont cédé deux fois aux exigences de parole européennes. Ces deux interventions n’ont finalement été marqué que par l’orgueil d’une organisation complexée. De plus, l’Union Européen, agrégat institutionnel, s’est 4 exprimé par le biais de deux représentants, ce qui n’aura pas eu pour effet de clarifier le flou persistant quant à la désignation d’un interlocuteur européen pour le reste des acteurs.
L'envoi d'un contingent armée dans la région
Vient la question de l’envoie d’hommes sur place, pour sécuriser la région (12 milles seraient nécessaires, selon le Comité International de la Croix Rouge). Mais plus que les chiffres, qui seront débattus lors des prochaines sessions, c’est la question de l’acteur chargé de la rédaction de la résolution de principe qui a fait débat.
Chaque Etat présent s’est proposé pour la rédiger. Finalement, deux protagonistes sortent du lot et cristallisent autour d’eux deux camp qui jusqu’à lors ne s’étaient pas frontalement opposés. D’un côté les Etats-Unis rallient la France et le Tchad ; de l’autre, la Chine est soutenue par la Russie et le Soudan. Un septième acteur, jusqu’ici discret va peser ironiquement sur le vote. La République Centrafricaine, qui a voté pour que les Etats-Unis soient chargées de la rédaction de la 1ère résolution, s’est par la suite abstenu de voter en faveur ou en défaveur de la Chine. Si cette démarche ressemble à un ralliement tempéré au clan occidental, l’abstention Centre-africaine va finalement offrir à la Chine le « pouvoir » de rédiger la convoitée résolution. Naïve volonté de ne pas froisser la Chine, partenaire économique, tout en ralliant les Etats-Unis ; ou sagace usage des règles de scrutin, pour favoriser la Chine, la République Centrafricaine a sû attirer l’attention sur elle et rappeler que son vote sera décisif lors des prochaines discussions.
Ainsi, au terme d’un jeu diplomatique haletant, mêlant la gymnastique des règles de procédure aux négociations de couloirs, la Chine se voit donc chargée d’écrire les premières lignes d’une histoire nouvelle de l’Afrique, une histoire épicée du goût autoritaire de l’extrême orient.
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